Petite Collection de Systèmes Ingénieux

Des systèmes ancestraux de galeries drainantes...

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Voilà quelques systèmes de canaux souterrains apportant l'eau glacée de la montagne. voir une photo. (Karez Tianshan au Turfan Ces systèmes sont vieux de 2000 ans) .

 

 

Différents noms suivant les pays désignent cette technique : Qanat (Iran), Karez, Falaj (Péninsule Arabique), Foggara, (Algérie), Khettara (Maroc, Syrie et Jordanie), Kiraz (Afghanistan), Mina (Espagne)... (si vous en connaissez d'autres dites-le moi, je les rajouterai)

 

Le Qanat constitue l'une des plus anciennes techniques de captage des eaux souterraines.

Il s'agit de galeries drainantes utilisées depuis plusieurs millénaires pour l'irrigation de zones de cultures et plus ponctuellement pour l'alimentation en eau de certaines villes.

Même s'il existe encore un doute sur l'origine précise de ces galeries drainantes (Iran ou péninsule arabique), il est admis aujourd'hui que cette technique s'est développée, à partir d'une zone sous influence persane, d'ou le nom générique de qanat.

L'expansion de cette invention a ensuite suivi le grand axe commercial de la route de la soie, ainsi que l'axe religieux de diffusion de l'Islam (jusqu'en Europe), mais aussi avec les espagnols lors de la conquête du nouveau monde.

Cette technique est bien adaptée aux pays arides ou semi-arides où les écoulements de surface sont très limités et surtout non pérennes. La plupart des qanats sont localisés dans des zones où il pleut entre 100 et 300 mm/an.

Le principe de construction consiste à aller intercepter la nappe en creusant de l'aval vers l'amont - jusqu'au "puits mère" - avec une pente inférieure à celle de la topographie, et inférieure au gradient piézométrique (wawow...)

La présence de ces galeries se repère en surface par l'alignement de puits (et de cônes de déblais notement pour éviter que des animaux y tombent...) utilisés lors du creusement pour extraire les matériaux.

Ces puits sont généralement peu profonds, mais dans certains contextes géologiques, ils peuvent atteindre des dimensions exceptionnelles (plus de 200 m dans l'Est de l'Iran). La partie drainante amont peut être ramifiée afin d'augmenter le débit capté.
Ariane CRISTINI (ingénieur hydraulicienne) et Sébastien LANGLAIS (ingénieur hydrogéologue)
Source : le journal H2O n° 46 : voir l'article complet en pdf
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Au Maghreb on a vu des foggara (= qanat) se gérer une propriété collective en fonctionnant un peu sur le principe des sociétés par actions. La répartition se fait par un système de peigne Les Peignes des Oasis dans la partie la plus élevée de la palmeraie. La mesure du débit se fait à l'aide d'un instrument en cuivre appeler CHEGFA. Chaque famille achemine ensuite sa part d'eau vers son jardin, par un système de rigoles appelées SEGUIA.
 
source photo
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on comprend bien qu'il faut que la nappe aquifère ne baisse pas de trop !! (voir plus bas la problématique des forages) voir une autre ressource sur le foggara en algérie

Les aflaj d'Oman (péninsule arabique)
Le nom local utilisé dans l'ensemble de la péninsule arabique pour désigner le qanat est "Falaj" (pl. aflaj).
Dans le Sultanat d'Oman, aucun cours d'eau n'est pérenne et les bédouins ont dû faire appel à leur ingéniosité afin de disposer d'eau tout au long de l'année pour établir des oasis permanentes.
De nombreux aflaj ont été réalisés dans le lit des wadis (oueds), constitués d'alluvions graveleuses, afin de capter la nappe d'inféro-flux (inféro-flux ou sous-écoulement : C'est une forme particulière d'écoulement de nappe, limitée à l'écoulement de la nappe de vallée sous le lit du cours d'eau. Celui-ci continue alors même que la circulation de surface a cessé, assurant dans des conditions favorables la pérennité des ressources en eau. Ce type de circulation est particulièrement important dans les conditions climatiques arides)

La gestion du falaj et la distribution d'eau sont très importantes pour la prospérité de l'oasis. D'après un dicton omanais "l'abondance de l'eau et l'efficacité du falaj détermine la taille, la force et la richesse de l'oasis".
Une fois acheminée à l'oasis, l'eau est distribuée, parcelle après parcelle, suivant un schéma bien particulier, le Dawran, basé sur un partage horaire de dérivation des eaux. Depuis plusieurs millénaires, les durées de distribution sont établies à partir de parfaites connaissances en astronomie, science d'origine arabe :

- durant la journée, les durées sont évaluées par le wakil (gestionnaire du falaj) à l'aide de cadrans solaires spéciaux, constitués d'un bâton placé verticalement et de plusieurs alignements horizontaux de pierres (un pour chaque saison) ;
- pendant la nuit, l'emplacement et le déplacement de certaines étoiles dans la voûte céleste indique l'horaire.

En Oman, les aflaj sont intégrés dans tous les projets d'aménagements où ils sont considérés comme une véritable mère nourricière pour l'oasis, là le qanat constitue encore un élément culturel fondamental dans certaines sociétés du Moyen Orient.
Avant de distribuer l'eau dans le village, le falaj passe d'abord par la mosquée où il acquiert des vertus quasi-religieuses...
A une époque de construction à tout va de nombreux forages (munis de motopompes) en régions arides, on peut se demander si les qanats ont encore leur place dans le captage des eaux souterraines ?
Dans certaines régions, le niveau de la nappe baisse inexorablement suite à sa surexploitation par des batteries de forages destinés à développer de véritables fermes agricoles en plein désert.


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Les qanats, présents dans certaines régions depuis plusieurs millénaires, continuent à alimenter de nombreuses oasis par respect des traditions ancestrales. Culture du permanant oblige, il semble que les villages qui ont conservé les galeries drainantes soient plus facilement des îlots de prospérité alors que le reste des oasis connaît une crise hydraulique sévère. Cependant, la modernisation des arrosages et la mise en place de forages sont des signaux préalables à des remises en cause. Ces réponses modernes sont souvent coûteuses et mal adaptées. L'une d'entre elles consiste à créer des barrages d'infiltration pour rétablir le niveau initial de la nappe; d'autres plus absurdes (par respect pour la tradition car on l'a déjà dit le falaj est un élément culturel fondamental dans certaines sociétés du Moyen Orient) consistent à réinjecter dans le falaj l'eau pompée dans un forage voisin ! voilà de l'argent bien mal employé...
 
Comment préserver ces ouvrages et permettre aux sociétés locales d’innover sans détruire ce qui fait la prospérité d’un système adapté aux zones arides ?

sources: Thierry RUF et Mohammed El FAIZ pdf 1  pdf 2
Ariane CRISTINI et Sébastien LANGLAIS
voir aussi :

Goblot Henri. Dans l'ancien Iran, les techniques de l'eau et la grande histoire

. In: Annales. Économies, Sociétés, Civilisations. 18e année, N. 3, 1963. pp. 499-520.

L'excellente page de wikipédia

un article en anglais: http://www.waterhistory.org/histories/qanats/

 synthèse: Sébastien Cabeau
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Question fondamentale --> Quelle est la différence entre le pillage du milieu (= de ses ressources) et la véritable adaptation Humaine aux milieux?


24/01/2012
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